« L'organisation politique « La protection
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Les services correctionnels et de réinsertion sociale
Le Canada se distingue de son puissant voisin à maints égards, notamment en ce qui concerne l'application de la justice. « Les États-Unis incarcèrent environ 6,5 fois plus d'individus que le Canada », constate en effet Pierre Landreville, professeur et directeur de l'École de criminologie de l'Université de Montréal. Depuis quelques décennies, les lois canadiennes et québécoises, tout en étant axées sur la protection de la société, ont aussi un objectif de réinsertion dont se soucient peu les États-Unis. De cette philosophie découlent les thérapies offertes dans les établissements de détention provinciaux et fédéraux, les libérations conditionnelles, les ordonnances de travaux communautaires, les ordonnances de probation avec surveillance et d'autres programmes encore.
Le criminologue et l'agent des services correctionnels sont les professionnels clés du secteur. Le premier est souvent embauché par les milieux carcéraux ou les institutions communautaires en réinsertion sociale, mais il peut aussi devenir analyste pour la fonction publique ou les organisations policières, enseignant, chercheur ou gestionnaire. Quant au second, il est un surveillant certes, mais il a aussi pour fonction d'« accompagner la personne incarcérée dans son cheminement de réinsertion sociale », précise Guy Samson, agent d'information au ministère de la Sécurité publique.
Cette profession qui n'est pas sans dangers – on se souvient du meurtre de deux agents commandité par Maurice « Mom » Boucher à la fin des années 90 – se féminise néanmoins… en partie à cause de certains effets pervers d'autres décisions. Ainsi, à l'heure actuelle, comme la formation spécialisée en Techniques correctionnelles est peu répandue, on recrute le personnel parmi les sortants en Techniques policières mais aussi parmi les personnes formées en travail social, en psycho-éducation, en psychologie et dans d'autres sciences humaines, toutes disciplines où les femmes sont plus nombreuses que les hommes. Par ailleurs, nombre de jeunes diplômés, y compris les détenteurs d'un DEC en Techniques policières, délaissent les établissements de détention aussitôt qu'ils ont acquis une certaine expérience, de sorte que le secteur a souvent besoin de recruter du nouveau personnel.
Le milieu carcéral ne risque donc pas de connaître un surplus de main-d'œuvre à court terme, à tout le moins en ce qui concerne les agents des services correctionnels aux tâches si délicates et si variées. En effet, ceux-ci doivent être à même d'évaluer les détenus et d'utiliser les techniques de relation d'aide et d'intervention sociale. « Il faut également savoir faire preuve de tact, mettre de côté les préjugés – ce qui peut être difficile dans le cas de crimes sexuels ou particulièrement atroces – et avoir le sens de l'humour. L'humour est une qualité essentielle en effet, car il permet de réduire le stress! » ajoute M. Samson.
Le système a comme objectif avoué de « changer le mode de vie de certaines personnes, ce qui détermine les modes d'intervention », dit-il encore. Mais selon M. Landreville, « l'objectif de réinsertion sociale est plus fragile que jamais, entre autres en raison des pressions exercées par l'opinion publique ». Doit-on voir là une relation de cause à effet? En tout cas, constate ce dernier, « les prisons ont réduit sensiblement le nombre de criminologues qu'elles employaient. Comme ceux-ci ont reçu une formation pluridisciplinaire, ils peuvent en effet très bien faire office de psychologue ou occuper un poste administratif ».
Plus menaçante pour l'objectif de réinsertion est la surveillance électronique appliquée aux contrevenants sous le coup d'une ordonnance de probation, ainsi qu'il en est actuellement déjà aux États-Unis, en Ontario, en Colombie-Britannique et en Saskatchewan. « L'agent de probation – souvent un criminologue – est en contact direct avec les personnes et joue un peu un rôle d'aide et de soutien. La surveillance électronique a pour effet d'éliminer ce rapport », souligne M. Landreville. Cette méthode compte donc autant de détracteurs que de partisans. Ce qui est certain cependant, c'est qu'elle pourrait s'inscrire dans un prochain virage des services correctionnels et que celui-ci pourrait avoir des répercussions importantes sur le travail des professionnels du secteur.