Trois façons de travailler votre orientation
Paru le 06 décembre 2016
Par Louis Cournoyer, professeur en counseling de carrière et directeur de la Clinique Carrière à l'UQAM, conseiller d’orientation et superviseur clinique
Vous cherchez à mieux connaitre les possibilités d’emploi ou le profil habituel d’intérêts ou d’aptitudes de travailleurs d’une profession donnée? Vous vous dites certain de ce que vous voulez et de ce que vous êtes, mais vous ne savez pas comment vous y prendre pour traiter toutes ces informations ? Vous êtes dans une impasse, dans l’incertitude ou dans l’indécision, ne sachant pas trop qui vous êtes et ce que vous voulez, sinon que vous n’arrivez pas à vous positionner quant à vos besoins de vie au travail? Cette chronique propose trois voies d’entrée pour travailler votre orientation scolaire et professionnelle. À vous de voir laquelle pourrait le mieux vous convenir, pour le moment…
1. Est-ce un besoin d’information?
Votre problème ou votre besoin peut se situer au niveau de l’information scolaire et professionnelle. Vous pouvez avoir une idée claire de ce que vous voulez faire et être dans la vie sur le plan professionnel. Ce que vous jugez qu'il vous manque, c’est de l’information, que ce soit sur des aspects spécifiques de programmes d’études (préalables, lieux de formations, horaire type, etc.) ou sur l’exercice d’un métier. Pour vous aider, vous pouvez :
- Vous engager seul dans l’exploration de sites Internet d’information sur les études et la carrière. À ce titre, les ressources d’information sur les études, les professions et les carrières, dont Monemploi.com, peuvent vous aider à combler ce type de besoins. À cela s’ajoute la liste non exhaustive suivante : ClipFP, Inforoute FPT.org, Tout pour réussir, IMT en ligne et les Comités sectoriels.
- Rencontrer des individus ayant fait des études ou exerçant un métier qui vous intéresse afin de mieux vous éclairer sur leur « réalité » quotidienne. Cette rencontre peut être réalisée en personne ou virtuellement (ex. : Academos).
- Consulter un conseiller pour vous aider à explorer et à comprendre divers renseignements.
Si vous réalisez en cours de route, seul ou accompagné, que votre besoin est d’un niveau plus complexe que la cueillette d’information ou la sensibilisation aux réalités professionnelles, vous pourriez considérer un autre niveau d’aide, notamment ceux présentés plus loin.
Recueillir suffisamment de renseignements et de sources variées et fiables, c’est bien, mais cela ne suffit pas. Lorsque le besoin se situe strictement au niveau de l’information, c’est que la personne possède les moyens nécessaires et la capacité d’en faire traitement éclairé de la situation par rapport à soi et de soi en relation avec le monde. Autrement, ça se joue à un autre niveau…
2. Est-ce un besoin de méthode?
Sans que vous jugiez vivre une impasse, une période d’incertitude ou d’indécision sur le plan identitaire (du moins, pas pour l’instant…), vous avez en tête une vision claire de ce que vous désirez d’un emploi, d’un programme d’études ou d’une carrière, mais vous n’arrivez tout simplement pas à traiter toutes ces données de manière structurée et organisée. Pour faire un lien avec les modèles plus classiques d’orientation scolaire et professionnelle, il s’agit ici de mettre en place des opérateurs cognitifs. Par exemple, vous pourriez vous engager, seul ou avec un conseiller d’orientation membre de l’Ordre des conseillers et des conseillères d’orientation du Québec, dans une démarche d’exploration de vos enjeux et de vos critères décisionnels. Cette démarche vous permettra aussi d’explorer vos possibilités, pour éventuellement comparer, hiérarchiser, confronter et catégoriser ces renseignements afin d’identifier les plus pertinents, en regard bien sûr de ce qui répond le plus à qui vous êtes.
Organiser, structurer et gérer l’information que l’on juge connaitre à propos de soi et de soi en interaction avec le monde à travers une méthode rationnelle de prise de décision peut s’avérer très utile pour vous. Toutefois, il se peut que ce soit insuffisant. Malgré toute cette « rationalité », tous ces exercices, ces activités ou encore ces tableaux où l’on compare des pour ou des contre et où l’on pondère des options, il se peut que vous réalisiez que vous êtes toujours… dans une impasse, dans l’incertitude ou l’indécision!
3. Est-ce un besoin de counseling?
Impasse, incertitude et indécision; est-ce que ces mots résonnent dans vos oreilles lorsque vous pensez à votre difficulté à faire un choix, à élaborer un projet d’avenir ou à mettre en place de « bonnes » stratégies de carrière? Alors, nous sommes peut-être dans un besoin de counseling. Au départ, rassurez-vous : l’indécision de carrière n’est ni un problème ni une fatalité, mais bien une phase normale à tout processus de changement (profitable) dans la vie d’un individu. Tout processus de changement personnel, impliquant notamment des décisions, oblige la traversée d’une phase normale, mais nécessaire, de doute, d’incertitude et d’indécision.
Pensez aux périodes de votre vie où vous avez vécu une transition entre un état plus ou moins satisfaisant, mais connu (vos études, votre emploi ou votre conjoint), vers un état à venir et espéré, mais incertain (votre première insertion professionnelle, la recherche d’un nouvel emploi ou votre retour sur le « marché » [ou le « réseau social »] des relations amoureuses). Entre ces deux périodes, vous devez accepter de renoncer à une partie plus ou moins importante de vos représentations de vous-même et de la vie pour traverser une phase de déstructuration, pour éventuellement vous transformer en quelque chose de mieux, de meilleur, qui correspond à qui vous êtes maintenant. L’indécision est partie prenante de cette expérience.
Le counseling de carrière englobe la réponse aux besoins d’information et de méthode, mais il va plus loin encore. En counseling de carrière, vous êtes invité à vous engager dans un processus de changement qui, inévitablement, vous suggère de traverser les résistances (normales) au changement dans une perspective de mieux-être au travail. Je vous propose ma propre définition du counseling de carrière, laquelle, bien sûr, est inspirée de nombreux cadres conceptuels et règlementaires. Pour moi, il s’agit d’un processus de relation d’aide appliqué à la carrière, centré sur l’évaluation et l’intervention sur le fonctionnement, les ressources et les conditions de la personne dans le but de l’aider à gérer les impasses décisionnelles qui font entrave à une vie professionnelle actualisée, sous la forme de choix, de projets ou de stratégies d’adaptation socioprofessionnelles.
Vous êtes d’abord amené à « reconnaitre » vos intérêts, vos valeurs et autres traits de personnalité, de même que les options pouvant s’offrir à vous à travers une démarche d’exploration et de compréhension approfondie (de soi et du monde). Le conseiller va alors vous aider à identifier des éléments importants pour vous dans une prise de décision, à faire des liens entre différentes expériences de vie, à mieux comprendre votre dynamique de fonctionnement personnel dans une optique de choix professionnel, puis à déterminer votre fil conducteur, ce qui fondamentalement a du sens pour vous et constitue qui vous êtes. Toutefois, se reconnaitre ne suffit pas.
Un professionnel compétent sera en mesure de vous aider à mieux « conscientiser » ce qui compte vraiment pour vous, entre autres, ce que pourrait vous apporter ou vous en couter sur le plan personnel de choisir ou de ne pas choisir. De la reconnaissance de soi à la conscientisation, vous serez ensuite amené à vous « mobiliser » dans une action de changement. Le tout à petits pas, mais avec l’intention claire de faire face à de nouvelles possibilités plus positives et plus constructives. Ultimement, le but du conseiller est que « vous preniez la porte »! Plus sérieusement, cela veut dire d’« actualiser » une décision éclairée. J’entends par cela que vous puissiez repartir de vos rencontres avec une idée claire de ce que vous voulez, de pourquoi ce projet plutôt qu’un autre, de comment vous allez vous y prendre, de quelles personnes rencontrer, de quand doivent être menées certaines démarches supplémentaires et d’où doivent être enclenchées ces actions de manière à concrétiser le tout.
Distinguer le vrai du faux…
À titre de formateur et de superviseur en counseling de carrière auprès de praticiens, ainsi que de conseillers pour les étudiants inscrits dans un programme de deuxième cycle en carriérologie à l’Université du Québec à Montréal, nous veillons à bien évaluer les niveaux de besoins des individus en matière d’aide en orientation. Il devrait en être de même pour tous les conseillers d’orientation membres de l’Ordre des conseillers et des conseillères d’orientation du Québec. Donc, si vous vivez de sérieuses impasses décisionnelles, que vous remettez en question de votre vie professionnelle et que quelqu’un vous dit qu’il peut réaliser ce type de counseling en une ou deux rencontres, il s'offre différentes possibilités :
- Cette personne est d’une compétence et d’une rapidité inouïes, sinon questionnables;
- Vous avez une capacité de traiter l’information sur vous-même et en interaction avec le monde hors du commun;
- Vous avez déjà un projet, passablement éclairé, qui demeure essentiellement à valider;
- Cette personne vous offre plutôt un processus visant à répondre à des besoins d’information ou de méthode.
D’où l’importance de bien identifier votre véritable besoin d’accompagnement parmi les trois options décrites ci-dessus. À cet égard, il se peut qu'une démarche de quatre à six rencontres (sinon plus) soit requise pour véritablement mener à bien un processus de counseling engagé et engageant!