Quel rôle devraient jouer les parents dans les choix scolaires des jeunes adultes en situation de handicap?

Paru le 14 novembre 2018

 
Par Émilie Robert, conseillère d’orientation au Collège Montmorency et auteure
 
Loin devant les amis, les enseignants et le conseiller d’orientation, les parents sont les personnes les plus influentes dans les choix scolaires des jeunes du secondaire. Puis, au fur et à mesure qu’un jeune franchit les étapes des études postsecondaires et de l’insertion en emploi, il consulte de moins en moins ses parents dans les décisions relatives à sa carrière.
 
Or, chez les jeunes en situation de handicap physique, neurologique ou souffrant d’un trouble de santé mentale, l’implication des parents demeure très importante jusqu’à un âge assez avancé. Ce rôle accru nuit-il au développement de l’autonomie vocationnelle de ces jeunes? Leurs parents doivent-ils lâcher prise? Sont-ils plutôt un soutien essentiel?
 

Un soutien essentiel

Les parents sont habituellement plus engagés dans le quotidien d’un enfant avec des besoins particuliers, tout dépendant de la nature de son trouble (neurologique, moteur, sensoriel ou de santé mentale). Devant la complexité de l’administration scolaire, ils ont souvent dû faire face à de nombreux obstacles pour obtenir des services pour leur enfant. Il est donc naturel pour ces parents de conserver l’habitude de l’accompagner lors de leurs rencontres avec les enseignants, la direction ou le conseiller d’orientation.
 
Lors de l’entrée aux études postsecondaires (formation professionnelle ou collégiale), on comprend à la fois le besoin du parent de saisir ce que vivra son adolescent, et également celui du jeune de prolonger le soutien de ses parents. De plus, certains troubles, comme le trouble du spectre de l’autisme (TSA), affectent le développement de l’autonomie. Les jeunes ayant un TSA ne font pas toujours preuve des mêmes compétences décisionnelles qu’un jeune typique du même âge.
 
Par ailleurs, les parents peuvent grandement aider les intervenants du milieu collégial, et même universitaire, à connaitre et à comprendre les besoins de leur jeune adulte. Les personnes autistes éprouvent de la difficulté à mettre en mots leurs besoins, leurs inquiétudes et leur vécu émotif. Les parents, les connaissant depuis toujours, peuvent servir de « porte-parole », aider le milieu à accueillir correctement leur enfant et à mettre en place des mesures d’accommodement adéquates.
 

Des accompagnateurs et des modèles…

La notion de carrière représente un concept très abstrait pour tous les jeunes, mais encore plus pour ceux qui sont en situation de handicap. L’expérience de vie des parents peut servir d’exemple à leur enfant en leur présentant la carrière comme une succession de décisions. Combien de jeunes me disent, en rencontre d’orientation, qu’ils sont stressés de choisir le métier qu’ils exerceront « toute leur vie »? La majorité de leurs parents n’ont pourtant pas occupé le même emploi depuis leur entrée sur le marché du travail. Ils peuvent donc très concrètement attester du fait que chaque décision a son importance, mais qu’il y aura toujours moyen d’ajuster le tir si un programme d’études ou un emploi ne convient pas.
 
Ajoutons également que les parents peuvent mettre à profit leur réseau de contacts pour permettre au jeune de prendre part à des activités orientantes comme des stages d’un jour, des visites en entreprise ou des rencontres avec des professionnels dont le métier l’intéresse. En plus de permettre au jeune de vivre des expériences concrètes et enrichissantes, cela lui montre comment on peut se servir de son réseau de contacts pour progresser dans le monde du travail. Le jeune adulte sans handicap sera généralement plus proactif et autonome dans l’acquisition de telles compétences et se réfèrera beaucoup moins à ses parents.
 

… qui devront graduellement céder la place au jeune

Au fur et à mesure que le jeune adulte progresse dans sa scolarité postsecondaire, les enseignants ou le superviseur de stage s’attendent à une plus grande autonomie de sa part. Dans certaines situations, comme dans les travaux d’équipe et les stages, le jeune adulte avec des besoins particuliers ne pourra pas s’appuyer sur le soutien du patron ou de ses coéquipiers, comme il a l’habitude de le faire avec ses parents. Plus le parent jouera un rôle actif, plus il privera le jeune d’occasions d’acquérir des compétences communicationnelles et relationnelles et de les pratiquer.
 
On sait aussi que, en situation de handicap ou non, les adolescents se comparent. Se percevoir comme dépendant de ses parents par rapport aux pairs et se sentir impuissant en leur absence peut atteindre l’estime de soi. C’est souvent en prenant des risques, et même en commettant des erreurs et en les surmontant, qu’on accroit l’estime de soi. Ce sera une difficile transition pour les parents et leur enfant de prendre conscience que certains choix ne s'avèreront peut-être pas toujours adéquats. Il sera toutefois nécessaire que le jeune prenne ses propres décisions pour se préparer à la réalité du marché du travail. Cela nécessitera également un certain lâcher-prise de la part des parents. Il est possible qu’ils ne comprennent pas les choix de leur enfant, qui est différent d’eux, à plusieurs égards.
 
Heureusement, les conseillers d’orientation, les conseillers en services adaptés ou en adaptation scolaire sont disponibles dans les centres de formation, les cégeps et les universités, pour accompagner les étudiants et leurs parents et les aider à traverser cette étape avec succès.
 
En terminant, le site de l’Ordre des conseillers et conseillères d’orientation du Québec offre aux parents une section qui leur est entièrement consacrée. On y retrouve une mine d’information, des ressources et des références pour mieux s’outiller afin de guider son enfant en situation de handicap à travers les différentes étapes des choix scolaires et professionnels.
 
Et comme le dicton le dit, on est parent pour toute la vie!