Prendre des risques en emploi – même lorsqu’on est autiste ou qu’on a un handicap

Paru le 09 novembre 2016

Par Émilie Robert, conseillère d’orientation au Collège Montmorency
Auteure du livre Les personnes autistes et le choix professionnel – Les défis de l’intervention en orientation (2015), publié chez Septembre éditeur
 
Plusieurs jeunes en situation de handicap, qu’ils soient autistes ou qu’ils aient une limitation fonctionnelle, ont tendance à craindre les situations nouvelles. Ayant des besoins particuliers qu’une routine stricte permet de combler, ils n’osent pas déroger des activités auxquelles ils sont habitués. Et si on remettait en question cette façon de faire? C’est du moins le message central qu’ont reçu des étudiants autistes du Collège Montmorency lors d’une rencontre privilégiée avec le conférencier et auteur Antoine Ouellette.
 
Il y a quelques semaines, le Collège Montmorency a invité M. Antoine Ouellette à rencontrer les étudiants autistes qui fréquentent cet établissement pour leur parler de son parcours professionnel et répondre à leurs interrogations et inquiétudes à l’égard du monde du travail. M. Ouellette est un adulte autiste. Il a reçu son diagnostic à l’âge de 47 ans. Il est compositeur et il est l’auteur de plusieurs livres. Il est détenteur d’un doctorat en études et pratiques des arts de l’UQAM et y travaille à titre de chargé de cours. Il est aussi conférencier et animateur de groupes de soutien pour personnes ayant un trouble anxieux.
 
Les questions adressées à M. Ouellette par les étudiants concernaient la préparation pour des entrevues d’embauche, la possibilité de décrocher un emploi dans leur domaine d’études ainsi que le stress provoqué par la première journée de travail. Nous savons que les personnes autistes ont de la difficulté à gérer les imprévus et à décoder les messages non verbaux. Ils sont aussi très soucieux de répondre aux attentes de l’entourage, sans toujours comprendre quelles sont ces attentes. C’est dans ce contexte qu’ils appréhendent une entrevue d’embauche et qu’ils redoutent le refus d’un employeur qui les trouvera trop peu expressifs, trop lents ou avec un regard fuyant. À l’instar des jeunes autistes, les jeunes en situation de handicap sont généralement inquiets de leur réussite en emploi. C’est d’autant plus vrai pour les jeunes ayant une limitation fonctionnelle et qui ne pourront pas cacher leur handicap. À cet égard, une des étudiantes qui a rencontré M. Ouellette était accompagnée d’un chien-guide. Il est peu connu que les personnes autistes peuvent tirer profit de cette forme d’aide. Cette étudiante éprouvait beaucoup de difficultés à se trouver un emploi, car la majorité des postes ouverts à des étudiants concernent le service à la clientèle, l’animation de groupes d’enfants ou le travail en restauration, où les chiens ne sont pas admis.
 

Dire oui d’abord, gérer l’anxiété ensuite

En réponse à ces inquiétudes, M. Ouellette a raconté son parcours. Il a d’abord choisi ses programmes d’études en fonction de ses passions particulières. Il a choisi un baccalauréat en biologie et ensuite un baccalauréat en musique. Étant passionné et ayant une excellente mémoire, comme c’est le cas de la majorité des personnes autistes, il s’est démarqué par son expertise en musique. Vers la fin de ses études universitaires, des professeurs et des praticiens du milieu ont remarqué son talent et lui ont proposé de petits contrats : des remplacements, des charges d’enseignement, etc. Si M. Ouellette n’a pas eu de difficulté avec les entrevues d’embauche et l’obtention d’un emploi, c’est qu’il n’a jamais dit « Non » à une offre. Il lui arrivait d’être anxieux et nerveux, mais il préférait tenter sa chance, accepter des contrats et gérer ensuite son anxiété. D’expérience en expérience, il a fait une pierre, deux coups : il a bâti une carrière intéressante et a développé sa confiance en lui-même.
 

Être accompagné dans une expérience nouvelle

Même si ce discours a paru effrayant pour certains étudiants qui l’écoutaient, je trouve ce message très important pour les jeunes qui ont des besoins particuliers ou qui sont jugés vulnérables : trop les protéger alimente parfois certains de leurs problèmes. Prendre des risques et dire oui, même si ça fait peur, permet de repousser un peu plus loin ses limites. Et pour que ces expériences soient positives, on recommande que les jeunes soient accompagnés dans un nouvel emploi, un nouveau projet ou un nouveau contrat. Les parents, un éducateur, un conseiller d’orientation ou un conseiller en emploi peuvent agir à titre de facilitateur ou de « coach » pour aider un jeune autiste à surmonter ses peurs à l’aube d’une nouvelle expérience.
 
Quand on parle de prise de risques, il n’est pas question d’un emploi au-delà de ce que le jeune diplômé est en mesure de faire. S’il possède les connaissances recherchées et les compétences techniques pour accomplir le mandat proposé, il est gagnant à essayer, et ce, même si l’endroit de travail est plus loin de son domicile, que l’horaire de travail est différent de ce qu’il préfère, ou que l’employeur demande de commencer dès le lendemain matin. Ce genre de situations, anxiogènes pour les personnes autistes, comporte des risques « calculés » qui sont porteurs d’effets bénéfiques. Comme le dit le dicton : « Qui ne risque rien n’a rien ». Les jeunes diplômés collégiaux et universitaires, qu’ils soient autistes ou qu’ils aient une limitation fonctionnelle, pourront plonger dans le monde du travail, s’ils y sont bien préparés.