La taxonomie de Bloom au service du développement de carrière
Paru le 12 septembre 2016
par Louis Cournoyer, professeur en counseling de carrière et directeur de la Clinique Carrière à l'UQAM, conseiller d’orientation et superviseur clinique
Pour les sciences de l’éducation, la taxonomie de Bloom[1] est un modèle de référence pour identifier des objectifs d’évaluation congruents avec les connaissances et les habiletés enseignées au cours d’une formation. Elle permet aussi, conséquemment, de cibler des modalités et des outils d’évaluation appropriés.
Ce modèle peut s’appliquer à d’autres contextes que celui de l’éducation : recherche d’emploi, transition de carrière, recrutement, sélection, etc. Cette chronique propose un survol de la taxonomie de Bloom et des usages possibles à des fins de développement de carrière.
La taxonomie de Bloom
Initialement, le modèle proposait une hiérarchie de six catégories d’objectifs, soit la connaissance, la compréhension, l’application, l’analyse, la synthèse et l’évaluation. À la suite de nombreuses critiques concernant le choix des termes et la hiérarchisation des catégories[2], le modèle a été révisé et adapté aux habiletés affectives et motrices. La taxonomie demeure toutefois fondamentalement cognitive.
Les auteurs du plus récent modèle, datant de 2001[3], proposent trois niveaux de complexité regroupant chacun deux catégories d’objectifs afin de refléter la réalité de l’apprentissage au 21e siècle :
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Premier niveau
Se rappeler consiste à se remémorer, à faire appel à des connaissances pour nommer, citer, décrire, définir, énumérer, identifier, reproduire, résumer ou sélectionner.
Comprendre implique de construire un sens parmi un ensemble d’informations (orales, écrites ou graphiques) en les classant et les comparant pour démontrer, différencier, expliquer, faire une analogie, paraphraser, interpréter, représenter et résumer.
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Deuxième niveau
Appliquer consiste à employer une même procédure dans différents contextes ou problèmes à résoudre. En termes d’actions, ce terme renvoie à assembler, calculer, catégoriser, démontrer, designer, formuler, mesurer, modifier, monter, opérer et réparer.
Analyser consiste à déduire, délimiter, différencier, discriminer, disséquer, distinguer, inférer, prioriser, mettre en relation et organiser.
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Troisième niveau
Évaluer consiste à porter un jugement fondé sur des indicateurs, des normes, des critères, des principes, etc. Lorsqu’une personne évalue, elle est également en mesure d’apprécier, d’argumenter, de choisir, de défendre, de justifier et de soutenir.
Créer implique d’assembler et d’amalgamer des informations éparses en un tout cohérent. Pour ce faire, diverses actions telles qu’agencer, anticiper, composer, concevoir, développer, intégrer ou structurer peuvent être mises de l’avant.
D’autres auteurs proposent de distinguer trois catégories de base (se rappeler, comprendre et appliquer) et trois catégories supérieures (analyser, évaluer et créer). Selon ces auteurs, il importe de prendre en compte que le niveau de complexité de chaque catégorie peut se superposer ou se subordonner selon le contexte d’usage, surtout pour les catégories supérieures.
Quelle en est la pertinence et quels en sont les usages pour le développement de carrière?
La taxonomie de Bloom n’est qu’une façon de modéliser des actions, des tâches et des activités. D’autres modèles auraient aussi pu être présentés dans le cadre de cette chronique. Ces taxonomies sont pertinentes, car elles reconnaissent que toutes les fonctions de travail au sein d’une organisation ne comportent pas la même complexité.
Vous êtes un chercheur d’emploi?
La taxonomie de Bloom peut vous donner des indications ou des suggestions de verbes d’action à mettre de l’avant pour communiquer et valoriser vos expériences de travail auprès d’un éventuel employeur. Vous pouvez découvrir des tâches spécifiques à certains métiers et professions en explorant la zone Métiers et professions de MonEmploi.com, en examinant certaines classifications d’occupations professionnelles (ex. : Classification nationale des professions) ou en lisant des offres d’emploi dans ce domaine. Ce faisant, vous comprendrez rapidement le niveau de complexité ou le type, voire la catégorie, de tâches associées à cette occupation. Conséquemment, vous pourrez utiliser le même vocabulaire pour définir vos expériences de travail en fonction de ce qui apparaît attendu et valorisé par les emplois ciblés, pourvu que vous soyez à l’aise de le faire lors d’un entretien d’embauche.
Vous êtes un employeur?
La taxonomie de Bloom peut vous aider lors de l’analyse des fonctions de travail et de la détermination des postes de travail actuels et à pourvoir. Elle peut aussi guider vos choix quant aux objectifs, aux modalités ou aux outils d’évaluation du personnel.
Vous êtes un conseiller en développement de carrière ou un conseiller d’orientation?
La taxonomie de Bloom peut vous permettre d’explorer les catégories d’emploi pouvant le mieux convenir à vos clients sur le plan des tâches et des compétences espérées. Au besoin, elle peut également servir à opposer les enjeux inhérents à un projet professionnel. Par exemple, vous pouvez confronter le nombre d’années d’études et les qualifications requises pour réaliser ce projet au bagage de la personne et à sa détermination à s’engager dans ce projet.
Congruence, congruence, congruence!
Outre la taxonomie et ses différentes catégories de tâches, d’habiletés et de compétences, la question de « congruence » est de première importance. Comme il est expliqué dans le cadre de l’enseignement universitaire auprès de futurs conseillers d’orientation, la congruence est définie comme un état porteur d’un rapport d’adaptation, de cohérence et d’harmonie entre deux ou plusieurs dimensions de la personne.
En orientation, cette congruence renvoie aux ressources personnelles, aux conditions du milieu et au fonctionnement psychologique de la personne. Pour appliquer la taxonomie de Bloom à des fins de développement de carrière, il importe de s’assurer d’une congruence entre savoir, savoir-faire et savoir-être. Autrement dit, on recherche un arrimage entre :
- Qui suis-je? Ce que j’aime, ce que je valorise, ce que je peux faire, ce qui me qualifie.
- Qu’est-ce que je veux? Mes aspirations, ce que je convoite, ce que je recherche comme expérience, comme conditions.
- Qu’est-ce que je suis prêt à faire? Les démarches, les engagements, les actions concrètes, la part de risque que je suis prêt à prendre, les compétences nécessaires pour développer et pour me réaliser dans ce que je veux.
La taxonomie de Bloom et ses qualificatifs peuvent ici aider la personne à comparer, à analyser et à déterminer les écarts possibles entre ces trois composantes d’une quête de réalisation professionnelle.
[1] Bloom, B. S. (1956). Taxonomy of educational objectives : The classification of educational goals. Longman Group.