L’importance de l’alliance de travail en counseling de carrière

Paru le 19 février 2021

Par Nicole Arifoulline, étudiante à la maitrise en orientation et auxiliaire de recherche, Université de Sherbrooke et Francis Milot-Lapointe, Ph. D., c.o., professeur en counseling de carrière individuel à l’Université de Sherbrooke.
 
Les individus qui consultent en orientation peuvent présenter différentes difficultés de prise de décision qui touchent l’indécision de carrière [1]. Afin d’agir de manière efficace sur ces difficultés et pour favoriser la satisfaction des personnes clientes à l’égard du processus de counseling de carrière, il est important d’identifier les variables du processus susceptibles de contribuer à son efficacité. À cet égard, les recherches scientifiques montrent que l’alliance de travail, en particulier ses composantes relatives aux objectifs et aux tâches, constitue un robuste prédicteur de l’efficacité d’un processus de counseling de carrière.

L’alliance de travail, telle que définie par Bordin [2], représente l’entente entre la personne conseillère et la personne cliente sur trois composantes : les objectifs, les tâches ainsi que le développement d’un lien émotionnel entre ces deux individus. On les décrit comme suit [3] :
  • L’entente sur les objectifs correspond à un accord entre les deux parties quant aux objectifs du processus.
  • L’entente sur les tâches correspond à l’accord entre les parties quant aux moyens et aux étapes à suivre pour atteindre les objectifs.
  • Le développement du lien émotionnel représente l’attachement relationnel entre les deux parties favorisant le non-jugement, la confiance et le respect.

L’alliance de travail pour s’engager dans le processus

Indépendamment des modèles, des approches ou des techniques d’intervention privilégiés par la personne conseillère d’orientation, l’alliance de travail est vue comme une condition ou un facilitateur permettant à la personne cliente de s’engager de manière optimale dans le processus de counseling de carrière [4]. En effet, dans une méta-analyse récente de Milot-Lapointe et al. [5] portant sur 18 études, on constate qu’une perception positive de l’alliance de travail par la personne cliente est associée à une plus grande diminution de son niveau d’indécision de carrière, à une plus grande amélioration de sa santé mentale (augmentation du bien-être et diminution de l’anxiété) et à une plus grande satisfaction à l’égard de l’intervention reçue. Selon les résultats de l’étude, l’alliance de travail prédirait 18 % de l’efficacité globale du counseling de carrière, 8 % de la diminution de l’indécision de carrière, 3 % de l’amélioration de la santé mentale et 38 % du niveau de satisfaction de la personne cliente à l’issue du processus. Ainsi, l’alliance de travail serait l’aspect du processus de counseling de carrière auquel les personnes conseillères d’orientation auraient avantage à consacrer le plus d’énergie pour favoriser la satisfaction des personnes clientes par rapport à l’intervention, alors qu’il s’agirait de l’une des variables importantes pour faciliter la diminution de l’indécision de carrière et l’amélioration de la santé mentale.
 

S’entendre sur les objectifs et les tâches

D’autres chercheurs ont, quant à eux, investigué pour savoir si certaines composantes de l’alliance de travail pouvaient influencer d’une manière plus importante que d’autres les résultats du counseling de carrière. Masdonati et al. [6] ont constaté que l’entente sur les objectifs et les tâches dans l’alliance de travail prédisent chacune 5 % de l’augmentation chez les personnes clientes de leur connaissance du processus de décision, de soi et des options professionnelles alors que le lien émotionnel n’était pas associé significativement à ces variables. Dans une étude québécoise récente, Milot-Lapointe et al. [7] ont également observé que le lien émotionnel n’est pas significativement associé à la diminution de l’indécision de carrière des personnes clientes au cours du processus de counseling de carrière alors que l’entente sur les objectifs et les tâches prédisent respectivement 8 % et 9 % de cette diminution.
 

L’influence du lien émotionnel

En somme, ces résultats démontrent scientifiquement l’importance que les personnes professionnelles de l’orientation s’assurent tout au long du processus que les objectifs et les tâches de l’intervention, convenus mutuellement avec la personne cliente, sont signifiants pour elle. Comme plusieurs personnes clientes n’ont pas une idée précise des objectifs et des tâches pouvant être réalisés dans un processus de counseling de carrière, il peut être intéressant d’utiliser un schéma du processus d’intervention afin d’illustrer la logique derrière les objectifs et les tâches proposés ou convenus ensemble. Par ailleurs, bien que le lien émotionnel ne soit pas significativement associé aux effets du counseling de carrière dans les recherches scientifiques, il apparait important de prêter attention au fait que cette composante est liée à l’entente sur les objectifs et les tâches. Il est donc possible que le lien émotionnel influence l’entente sur les objectifs et les tâches qui, à leur tour, exercent un effet bénéfique sur l’indécision de carrière des clients. Cette hypothèse méritera cependant davantage d’investigation scientifique.  
 
Enfin, si vous éprouvez des difficultés de prise de décision, que ce soit en raison d’une indécision de carrière, d’un manque d’information ou de préparation ou encore d’informations incohérentes, vous pouvez consulter une personne conseillère d’orientation. Cette dernière veillera à déterminer avec vous vos objectifs de carrière et vous proposera des moyens pertinents pour les atteindre.
 

Références bibliographiques

[1] Gati, I., Krausz, M. et Osipow, S. H. (1996). A taxonomy of difficulties in career decision making. Journal of Counseling Psychology, 43(4), 510–526.

[2] Bordin, E. S. (1979). The generalizability of the psychoanalytic concept of the working alliance. Psychotherapy: Theory, Research & Practice, 16(3), 252–260. 

[3] Massoudi, K., Masdonati, J., Clot-Siegrist, E., Franz, S. et Rossier, J. (2008). Évaluation des effets du counseling d'orientation : influence de l'alliance de travail et des caractéristiques individuelles. Pratiques psychologiques, 14(2), 117–136.

[4] Milot-Lapointe, F., Savard, R. et Le Corff, Y. (2018). Intervention components and working alliance as predictors of individual career counseling effect on career decision-making difficulties. Journal of Vocational Behavior, 107, 15–24.

[5] Milot-Lapointe, F., Le Corff, Y. et Arifoulline, N. (2020). A meta-analytic investigation of the association between working alliance and outcomes of individual career counseling. Journal of Career Assessment, (2020).

[6] Masdonati, J., Perdrix, S., Massoudi, K. et Rossier, J. (2014). Working alliance as a moderator and a mediator of career counseling effectiveness. Journal of Career Assessment, 22(1), 3–17.

[7] Milot-Lapointe, F., Savard, R. et Le Corff, Y. (2020). Effect of individual career counseling on psychological distress: Impact of career intervention components, working alliance, and career indecision. International Journal for Educational and Vocational Guidance, 20, 243–262.