Combien de rencontres avec un conseiller d’orientation sont nécessaires pour obtenir des bénéfices?
Paru le 19 septembre 2019
Par Francis Milot-Lapointe, Ph.D., c.o. Professeur en counseling de carrière individuel à l’Université de Sherbrooke
Les décisions de carrière revêtent une grande importance dans la vie des personnes en raison de leurs implications à long terme[1]. En effet, ces décisions sont susceptibles d’affecter le style de vie future d’une personne, son bien-être psychologique et économique, son statut social, ainsi que son sentiment d’apporter une contribution à la société[2].
Devant l’importance des décisions de carrière, plusieurs personnes font appel aux services d’un conseiller d’orientation pour faire face à leurs difficultés décisionnelles[3]. Dans ma pratique, l’une des premières questions que me posent habituellement mes clients consiste à savoir le nombre de rencontres qui sera requis pour leur permettre d’avoir une idée claire de leur projet de carrière. La réponse à cette question est importante, car elle influence le temps que le client devra investir dans la démarche ainsi que les bénéfices auxquels il peut s’attendre en fonction du temps investi.
Bien que le nombre de rencontres varie en fonction de la nature et de l’ampleur des difficultés décisionnelles de chaque client, la présente chronique vise à apporter un éclairage scientifique à cette question en offrant certaines balises pouvant permettre aux personnes d’avoir une estimation du temps à investir dans une démarche d’orientation.
Ce qu’en dit la recherche scientifique
La question du nombre de rencontres requis pour retirer des bénéfices d’une démarche d’orientation professionnelle a fait l’objet de plusieurs recherches scientifiques tant à la fin du 20e siècle que durant les années 2000.
L’un des constats qui ressort de ces recherches, et qui fait consensus auprès de plusieurs chercheurs, est qu’un plus grand nombre de rencontres serait préférable à un plus faible nombre. À cet égard, la recherche la plus récente abordant ce sujet et ayant été réalisée au Québec[4] montre que plus un client participe à un grand nombre de rencontres avec un conseiller d’orientation, plus il voit son niveau de difficultés décisionnelles diminuer au cours de la démarche.
D’autres recherches[5], quant à elles, proposent des indications plus précises par rapport au nombre optimal de rencontres auquel un client devrait participer pour retirer des bénéfices d’une démarche d’orientation professionnelle. Ces recherches suggèrent que dès la fin de la première rencontre (1 h par rencontre) les clients voient, en moyenne, leur niveau de difficultés décisionnelles diminuer significativement. L’ampleur de la diminution des difficultés décisionnelles des clients tend à s’accentuer dans les rencontres qui suivent pour atteindre un niveau optimal à l’issue de la cinquième rencontre.
Selon les recherches, c’est d’ailleurs dans le cadre des démarches d’orientation professionnelle comportant une durée approximative de 5 rencontres (d’une heure environ) où l’on constate la plus grande diminution des difficultés décisionnelles des clients[6]. Ce nombre de rencontres est également reconnu dans la documentation scientifique comme étant optimal pour conduire à une diminution à long terme des difficultés décisionnelles des clients[7].
Que doit-on retenir de ces résultats?
Il serait effectivement tentant, sur la base de ces résultats, de prétendre que le nombre universel de rencontres d’orientation auquel tous les clients devraient prendre part est de 5. Comme mentionné au début de cette chronique, le nombre de rencontres nécessaire pour permettre aux personnes d’atteindre leur objectif de carrière peut varier en fonction des besoins de chaque client. À cet égard, le conseiller d’orientation demeure la meilleure personne pour estimer le nombre de rencontres d’orientation dont un client pourrait avoir besoin une fois qu’il a effectué une évaluation rigoureuse de ses difficultés décisionnelles.
Il est possible qu’une démarche d’orientation professionnelle d’une ou de quelques rencontres (p. ex. : 2 ou 3) soit suffisante pour répondre aux besoins de certains clients présentant un faible nombre de difficultés décisionnelles (p. ex. : besoin de validation d’une décision déjà réfléchie).
Pour les personnes présentant un nombre modéré de difficultés décisionnelles (p. ex : manque de connaissance de soi et du marché du travail), il est probable que le nombre optimal de 5 rencontres s’avère nécessaire. Ce nombre permet au conseiller d’orientation et à son client d’avoir le temps d’aborder l’ensemble des difficultés décisionnelles du client afin de lui permettre de prendre une décision de carrière ayant des retombées positives pour lui tant à court terme qu’à long terme.
Pour les personnes présentant un plus grand nombre de difficultés décisionnelles de forte intensité (p. ex. : indécision chronique), il est possible qu’un conseiller d’orientation suggère une démarche plus longue (environ 6 à 10 rencontres) afin de permettre à son client d’atteindre ses objectifs.
Si vous ressentez le besoin de faire le point sur votre carrière, vous pouvez trouver un conseiller d’orientation œuvrant pour un service public ou en pratique privée. Vous pourrez ainsi profiter d’un service adapté à vos besoins dont l’efficacité est démontrée scientifiquement.
Références
- Gati, I. et Levin, N. (2015). Making better career decisions. In P. J. Hartung, M.L. Savickas et W.B. Walsh (dir.), Handbook of Career Intervention (p. 193-207). Washington, WA: American Psychological Association.
- Gati, I. et Tal, S. (2008). Decision-making models and career guidance. In J. Athanasou & R. Van Esbroeck (dir.), International handbook of career guidance (p. 157-185). Berlin, Germany: Springer.
- Milot-Lapointe, F., Savard, R. et Le Corff, Y. (2018). Intervention components and working alliance as predictors of individual career counseling effect on career decision-making difficulties. Journal of Vocational Behavior, 107, 15-24.
- Oliver, L.W. et Spokane, A.R. (1988). Career-intervention outcome: What contributes to client gain? Journal of Counseling Psychology, 35, 447-462.
- Brown, S.D. et Ryan Krane, N.E. (2000). Four (or five) sessions and a cloud of dust: Old assumptions and new observations about career counseling. In S.D. Brown et R.W. Lent (dir.). Handbook of Counseling Psychology (3e éd., p. 740-766). New York, NY: Wiley.
- Whiston, S.C., Li, Y., Goodrich Mitts, N. et Wright, L. (2017). Effectiveness of career choice interventions: A meta-analytic replication and extension. Journal of Vocational Behavior, 100, 175-184.
- Masdonati, J., Massoudi, K. et Rossier, J. (2009). Effectiveness of career counseling and the effect of the working alliance. Journal of Career Development, 36(2), 183-203.
- Masdonati, J., Perdrix, S., Massoudi, K. et Rossier, J. (2014). Working alliance as a moderator and a mediator of career counseling effectiveness. Journal of Career Assessment, 22(1), 3-17.
- Massoudi, K., Masdonati, J., Clot-Siegrist, E., Franz, S. et Rossier, J. (2008). Évaluation des effets du counseling d’orientation: influence de l’alliance de travail et des caractéristiques individuelles. Pratiques psychologiques, 14(2), 117-136.
- Perdrix, S., Stauffer, S., Masdonati, J., Massoudi, K. et Rossier, J. (2012). Effectiveness of career counseling: A one-year follow-up. Journal of Vocational Behavior, 565-578.
[1] Gati, I. et Levin, N. (2015). Making better career decisions. In P. J. Hartung, M.L. Savickas et W.B. Walsh (dir.), Handbook of Career Intervention (p. 193-207). Washington, WA: American Psychological Association.
[2] Gati, I. et Tal, S. (2008). Decision-making models and career guidance. In J. Athanasou & R. Van Esbroeck (dir.), International handbook of career guidance (p. 157-185). Berlin, Germany: Springer.
[3] Pour en connaitre davantage sur les difficultés décisionnelles pouvant être vécues, le lecteur est invité à se référer à une chronique antérieure : https://www.monemploi.com/magazines/explorer-ses-difficultes-decisionnelles
[4] Milot-Lapointe, F., Savard, R. et Le Corff, Y. (2018). Intervention components and working alliance as predictors of individual career counseling effect on career decision-making difficulties. Journal of Vocational Behavior, 107, 15-24.
[5] Oliver, L.W. et Spokane, A.R. (1988). Career-intervention outcome: What contributes to client gain? Journal of Counseling Psychology, 35, 447-462.
[6] Masdonati, J., Massoudi, K. et Rossier, J. (2009). Effectiveness of career counseling and the effect of the working alliance. Journal of Career Development, 36(2), 183-203.
[7] Perdrix, S., Stauffer, S., Masdonati, J., Massoudi, K. et Rossier, J. (2012). Effectiveness of career counseling: A one-year follow-up. Journal of Vocational Behavior, 565-578.